qu’il me manquerait quelque chose si, de temps en temps, je ne recevais de vos lettres.
Vous m’en écrivez de bien belles, pleines de sentiments et d’idées, pleines de douleurs aussi, hélas ! Que puis-je faire pour vous, sinon vous répéter le même conseil que vous ne suivez pas : Sortez de votre vie habituelle, voyagez, allez à Paris, ou, mieux encore, dans un pays chaud ; le soleil détend les nerfs et rassainit le cœur. Mais vous avez une grande lâcheté morale, permettez-moi de vous le dire. Vous tenez à vos habitudes, à votre milieu, à vos charités. Tout cela ne vaut rien. Il faut être libre. Est-ce que vous ne sentez pas en vous une protestation qui élève la voix, et comme le battement d’ailes d’un oiseau qui voudrait prendre la volée ? Écoutez cette voix, laissez-vous aller à ce mouvement. Vous êtes trop loin de l’état de nature. La méditation, les livres, la province et la solitude vous ont perdue ; vous étiez née pour faire les délices d’un grand cœur et d’un grand esprit, et ne trouvant rien de tout cela, vous vous êtes rongée sur place, stérilement ; est-ce vrai ?
Mais votre médecin me paraît un homme d’un excellent jugement. Suivez donc un peu ses avis, quand ce ne serait que par humilité. Le principal c’est vous ; laissez là tout le reste.
Serez-vous plus forte en 1862 qu’en 1861 ? Je vous souhaite de l’être, parce que ce serait le moyen d’avoir un peu plus (je ne dis pas de bonheur) mais de tranquillité.
Pensez à moi quelquefois, et croyez-moi, chère demoiselle, votre tout affectionné.