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CORRESPONDANCE

923. À LA PRINCESSE MATHILDE.
[Juin 1867].

Je suppose maintenant Votre Altesse débarrassée de ses corvées souveraines. C’est pourquoi je lui écris sans crainte de la déranger.

Je désire savoir de vos nouvelles. Êtes-vous revenue à Saint-Gratien ? Avez-vous repris la peinture ? Comme vous devez vous reposer tranquillement, n’est-ce pas ?

Que dites-vous du père Sainte-Beuve ? Je l’ai trouvé très beau[1] ! Il a défendu la cohorte vaillamment, et en bons termes. Ses adversaires me paraissent d’une médiocrité désespérante !

D’où vient donc cette haine contre la littérature ? Est-ce envie ou bêtise ? L’un et l’autre, sans doute, avec une forte dose d’hypocrisie en sus.

Comme ils sont rares les mortels tolérables, mais vous, Princesse, vous êtes indulgente. L’élévation de votre esprit fait que vous regardez de haut la sottise ; moi, elle m’écrase, étant, comme vous savez, un homme faible et sensible.

Ma délicatesse physique est même telle que j’ai fui mon logis pour fuir l’odeur de la peinture. Car on badigeonne actuellement l’extérieur de ma cabane et je me suis réfugié à Rouen, pour deux ou trois jours.

Je viens d’y recevoir la visite inattendue du trouvère Glatigny ; ce pauvre diable m’a paru très reconnaissant de ce que vous lui avez envoyé.

  1. Lecture au Sénat d’un rapport sur la liberté de la Presse.