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DE GUSTAVE FLAUBERT.

1130. À MAXIME DU CAMP.
Croisset, 29 septembre 1870.

En réponse à ta lettre du 19, reçue ce matin, procédons par ordre. D’abord je t’embrasse et te plains de tout mon cœur ; après quoi, causons. Depuis dimanche dernier, il y a un revirement général ; nous savons que c’est duel à mort. Tout espoir de paix est perdu ; les gens les plus capons sont devenus braves. En voici une preuve : le premier bataillon de la garde nationale de Rouen est parti hier, le second part demain. Le conseil municipal a voté un million pour acheter des chassepots et des canons. Les paysans sont furieux. Je te réponds que, d’ici à quinze jours, la France entière se soulèvera. Un paysan des environs de Mantes a étranglé un Prussien et l’a déchiré avec ses dents. Bref, l’enthousiasme est maintenant réel. Quant à Paris, il peut tenir et il tiendra. « La plus franche cordialité règne », quoi qu’en disent les feuilles anglaises. Il n’y aura pas de guerre civile. Les bourgeois sont devenus sincèrement républicains : 1o  par venette, 2o  par nécessité. On n’a pas le temps de se disputer ; je crois la « Sociale » ajournée pour bien longtemps. Nos renseignements nous arrivent par ballons et par pigeons. Les quelques lettres de particuliers parvenues à Rouen s’accordent à affirmer que depuis dix jours nous avons eu l’avantage dans tous les engagements livrés aux environs de Paris ; celui du 23 a été sérieux. Le Times actuellement ment impudemment. L’armée de la Loire et celle de