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CORRESPONDANCE

1312. À GEORGE SAND.
Bagnères-de-Luchon, 12 juillet [1872[1]].

Me voilà ici depuis dimanche soir, chère maître, et pas plus gai qu’à Croisset, un peu moins même, car je suis très désœuvré. On fait tant de bruit dans la maison qu’il est impossible d’y travailler. La vue des bourgeois qui nous entourent m’est d’ailleurs insupportable. Je ne suis pas fait pour les voyages. Le moindre dérangement m’incommode. Votre vieux troubadour est bien vieux, décidément ! Le docteur Lambrou, le médecin de céans, attribue ma susceptibilité nerveuse à l’abus du tabac. Par docilité, je vais fumer moins ; mais je doute fort que ma sagesse me guérisse.

Je viens de lire Pickwick, de Dickens. Connaissez-vous cela ? Il y a des parties superbes ; mais quelle composition défectueuse ! Tous les écrivains anglais en sont là. Walter Scott excepté, ils manquent de plan. Cela est insupportable pour nous autres latins.

Le sieur *** est décidément nommé, à ce qu’il paraît. Tous les gens qui ont affaire à l’Odéon, à commencer par vous, chère maître, se repentiront de l’appui qu’ils lui ont donné. Quant à moi qui, Dieu merci, n’ai plus rien à démêler avec cet établissement, je m’en bats l’œil.

Comme je vais commencer un bouquin[2] qui exigera des mois de grandes lectures, et que je ne

  1. Flaubert accompagnait sa nièce dans les Pyrénées.
  2. Bouvard et Pécuchet.