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DE GUSTAVE FLAUBERT.

De petits articles comme celui-là consolent de bien des choses !…

Je baise avec reconnaissance et plaisir la main qui écrit en mon honneur des lignes pareilles.

Et vous aussi, sur les deux joues, et le splendide môme mêmement.

votre vieux solide.



    franchise d’une langue qui prête une grande poésie aux détails les plus vulgaires, donne une vague idée de Madame Bovary. .... Plusieurs fois nous nous sommes sentis émus dans cette courte lecture, tellement la vie de la servante de province, attachée comme le chat domestique, autant aux murs du logis qu’aux maîtres, souvent aussi durs, aussi revêches les uns que les autres, est bien dépeinte ici. Quant au style ferme, imagé, mesuré, c’est la perfection de notre langue française. Pas un mot de trop, pas une épithète. On n’oserait changer de place une virgule, et la satisfaction artistique éprouvée n’a d’égal que le respect qu’inspire un si noble talent, » et plus loin, au sujet de la Légende de Saint Julien l’Hospitalier : « … Avec une couleur moyen-âge, très modérée, très réussie, M. Flaubert raconte la Légende de Saint Julien l’Hospitalier telle que la lui ont révélée les vitraux anciens d’une petite église de son pays. Et, du vitrail, la légende conserve bien des teintes pénétrées de jour, la majesté droite, le fantastique régulier. Elle procède par tableaux successifs où l’on devine encore les solides lamelles de plomb qui mesurent leur élan aux bêtes fauves, et le mouvement de ses armes au grand chasseur… M. Flaubert est un évocateur ; ses lectures, il les oublie ; sa science, son érudition, cela se résume dans des impressions personnelles et vivantes. Il voit, il nous fait voir avec lui, et c’est étrange cette réalité faite d’une concentration excessive, et qui sort du rêve ébloui d’un cerveau. Mais pour Hérodias surtout le poëte déploie ses facultés visionnaires… Jamais cet épisode si connu de l’Histoire juive ne nous était apparue avec cette magie de vérité et cette grâce mièvre et féroce que la danseuse Salomé, les lèvres et les sourcils peints, un carré de soie changeante aux épaules, les pieds chaussés de petites pantoufles en duvet de colibri, à demi romaine et barbare, communique à tout le récit, le plus complet peut-être des Trois-Contes. C’est que M. Flaubert y laisse libre son inspiration toujours épique ; il sait faire parler les hommes, aligner les batailles, et décrire les grandes luttes de peuple.