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Page:Flaubert - Le Candidat.djvu/113

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lire dans Hernani, et j’aurais voulu être Lara ! J’exècre toutes les lâchetés contemporaines, l’ordinaire de l’existence, et l’ignominie des bonheurs faciles ! L’amour qui a fait vibrer la grande lyre des maîtres gonfle mon cœur. Je ne vous sépare pas, dans ma pensée, de tout ce qu’il y a de plus beau ; et le reste du monde, au loin, me paraît une dépendance de votre personne. Ces arbres sont faits pour se balancer sur votre tête, la nuit pour vous recouvrir, les étoiles qui rayonnent doucement comme vos yeux, pour vous regarder !

Madame Rousselin.

La littérature vous emporte, monsieur ! Quelle confiance une femme peut-elle accorder à un homme qui ne sait pas retenir ses métaphores, ou sa passion ? Je crois la vôtre sincère, pourtant. Mais vous êtes jeune, et vous ignorez trop ce qui est l’indispensable. D’autres, à ma place, auraient pris pour une injure la vivacité de vos sentiments. Il faudrait au moins promettre…

Julien.

Voilà que vous tremblez aussi. Je le savais bien ! On ne repousse pas un tel amour !

Madame Rousselin.

Ma hardiesse à vous écouter m’étonne moi-même. Les gens d’ici sont méchants, monsieur. La moindre étourderie peut nous perdre !… Le scandale…