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VOYAGE EN FAMILLE

Le reste de la Corniche a le même caractère attiédi, peut-être parce qu’on y est accoutumé. Sur le chemin, deux teintes : les rochers blancs, presque à pic, et la mer toute bleue qui brille au soleil. De temps à autre on passe un torrent à gué, puis on remonte au flanc de la montagne dont on suit toutes les courbes. La route est comme une couleuvre qui serpenterait le long de cette muraille de 60 lieues, tantôt au bas ou au milieu. Quand on passe dans les villes, des enfants vous suivent et font la roue, mendiant. Cris, joie italienne qui, comme un galon d’or, scintille à travers cette misère ; on se sent à l’aise, on respire bien  ; puis la ville une fois passée, tout redevient calme. — Enfants et femmes pieds nus  ; énormes fardeaux qu’elles portent sur la tête, leur démarche des hanches.

Vintimiglia. — Saint-Maurice de Oneglia, où nous avons été coucher le même jour, le second de notre départ de Nice : port en maçonnerie rustique, barques. J’ai été au bout du port le soir. Ô ! Ô ! arrachement, comme à Fréjus  ! Il a fallu rentrer ! toujours la même histoire  ! Vivre à Oneglia et passer ses heures à dormir sur le galet  ! n’y avoir rien qu’un cigare et ne contempler que le bleu de la mer, le blanc des vagues et les spirales bleues du tabac  ! Les flots écumaient sur les rochers amoncelés, limpides et cadencés  ; l’idée qu’elle n’allait pas être libre, complète, me gâtait par avance la jouissance que j’avais.

Savone. — Arrêtés par une procession : des guirlandes de fleurs, suspendues sur des perches, allant d’un bout de la rue à l’autre  ; chantres, musiciens, des violons, une basse portée par des