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NOTES DE VOYAGES.

à petit le jour vient et le soleil se lève. Dans combien de dispositions différentes ai-je vu réapparaître sa lumière  ! — Le capitaine, gros homme sanguinolent, manteau d’alpaga. — Passagers : l’officier d’Afrique, son compagnon  ; dominos, fumant, installés au soleil sur une petite table sur le pont. Ils ont peu observé les rives du Rhône parce qu’ils étaient gais. Ne faut-il pas avoir l’âme vide pour chercher à regarder la nature avec plaisir  ? à moins qu’on ne la voie au contraire à travers un grand sentiment  ? — Le père et le fils, type du jeune homme convenable : mains blanches, bonne toilette du matin, album pour prendre des croquis, pas plus ni trop liant. Il m’a trouvé peut-être un peu libre en propos. — L’orphelin, sa chanson sur les femmes avec le refrain : « Ça ne se peut pas », expression sérieuse sans tristesse. — J’ai revu le château des Adrets, que Lauvergne m’avait montré.

Rives du Rhône. — Il est enserré dans des montagnes d’un rouge noir, qui en cachent le cours  ; on aimerait à les gravir. À gauche, larges plans  ; au fond de l’horizon, le mont Ventoux couronné de neige. On est plein d’espoir en descendant ce fleuve rapide qui vous mène à la mer rêvée. En plein soleil, je me suis assis un moment près de la cheminée, et j’ai lu de l’Horace. Le ciel était bleu.

Arrivée à Avignon. — Cris sur le quai. — Les mâchicoulis des remparts. — Quel air doux, surtout du côté de la campagne  ! — La voiture de l’hôtel. — C’est le Midi : tout le monde sur sa porte, teintes blanchâtres, des bouffées d’air chaud dans ces rues pleines de grâce. — Vieux cloître à