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Page:Flaubert - Salammbô.djvu/107

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zaïmph qui l’enveloppait, il semblait un dieu sidéral tout environné du firmament. Les esclaves s’allaient jeter sur lui. Elle les arrêta.

— N’y touchez pas ! C’est le manteau de la Déesse !

Elle s’était reculée dans un angle ; mais elle fit un pas vers lui, et, allongeant son bras nu :

— Malédiction sur toi qui as dérobé Tanit ! Haine, vengeance, massacre et douleur ! Que Gurzil, dieu des batailles, te déchire ! que Mastiman, dieu des morts, t’étouffe ! et que l’Autre, — celui qu’il ne faut pas nommer, — te brûle !

Mâtho poussa un cri comme à la blessure d’une épée. Elle répéta plusieurs fois :

— Va-t’en ! va-t’en !

La foule des serviteurs s’écarta, et Mâtho, baissant la tête, passa lentement au milieu d’eux ; à la porte il s’arrêta, car la frange du zaïmph s’était accrochée à une des étoiles d’or qui pavaient les dalles. Il le tira brusquement d’un coup d’épaule, et descendit les escaliers.

Spendius, bondissant de terrasse en terrasse et sautant par-dessus les haies, les rigoles, s’était échappé des jardins. Il arriva au pied du phare. Le mur en cet endroit se trouvait abandonné, tant la falaise était inaccessible. Il s’avança jusqu’au bord, se coucha sur le dos, et, les pieds en avant, se laissa glisser tout le long jusqu’en bas ; puis il atteignit à la nage le cap des Tombeaux, fit un grand détour par la lagune salée, et, le soir, rentra au camp des Barbares.

Le soleil s’était levé ; et, comme un lion qui s’éloigne, Mâtho descendait les chemins, en jetant autour de lui des yeux terribles.