Page:Flaubert - Salammbô.djvu/185

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de Moloch dévorateur, étendus par terre sur le ventre ou sur le dos, et les condamnés à la flagellation, debout contre les arbres, avec deux hommes auprès d’eux, un qui comptait les coups et un autre qui frappait.

Il frappait à deux bras ; les lanières en sifflant faisaient voler l’écorce des platanes. Le sang s’éparpillait en pluie dans les feuillages, et des masses rouges se tordaient au pied des arbres en hurlant. Ceux que l’on ferrait s’arrachaient le visage avec les ongles. On entendait les vis de bois craquer ; des heurts sourds retentissaient ; parfois un cri aigu, tout à coup, traversait l’air. Du côté des cuisines, entre des vêtements en lambeaux et des chevelures abattues, des hommes, avec des éventails, avivaient des charbons, et une odeur de chair qui brûle passait. Les flagellés défaillant, mais retenus par les liens de leurs bras, roulaient leur tête sur leurs épaules en fermant les yeux. Les autres, qui regardaient, se mirent à crier d’épouvante, et les lions, se rappelant peut-être le festin, s’allongeaient en bâillant contre le bord des fosses.

On vit alors Salammbô sur la plate-forme de sa terrasse. Elle la parcourait rapidement de droite et de gauche, tout effarée. Hamilcar l’aperçut. Il lui sembla qu’elle levait les bras de son côté pour demander grâce ; avec un geste d’horreur, il s’enfonça dans le parc des éléphants.

Ces animaux faisaient l’orgueil des grandes maisons puniques. Ils avaient porté les aïeux, triomphé dans les guerres, et on les vénérait comme favoris du Soleil.

Ceux de Mégara étaient les plus forts de Car-