Page:Flaubert - Salammbô.djvu/201

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tumulte, attirait comme un gouffre ; quelques-uns s’y lancèrent.

Des cohortes d’infanterie apparurent ; elles se refermaient ; et, en même temps, tous les autres voyaient accourir les fantassins avec des cavaliers au galop.

Hamilcar avait ordonné à la phalange de rompre ses sections, aux éléphants, aux troupes légères et à la cavalerie de passer par ces intervalles pour se porter vivement sur les ailes, et calculé si bien la distance des Barbares, que, au moment où ils arrivaient contre lui, l’armée carthaginoise tout entière faisait une grande ligne droite.

Au milieu se hérissait la phalange formée par des syntagmes ou carrés pleins, ayant seize hommes de chaque côté. Tous les chefs de toutes les files apparaissaient entre de longs fers aigus qui les débordaient inégalement, car les six premiers rangs croisaient leurs sarisses en les tenant par le milieu, et les dix rangs inférieurs les appuyaient sur l’épaule de leurs compagnons se succédant devant eux. Les figures disparaissaient à moitié dans la visière des casques ; des cnémides en bronze couvraient les jambes droites ; les larges boucliers cylindriques descendaient jusqu’aux genoux ; et cette horrible masse quadrangulaire remuait d’une seule pièce, semblait vivre comme une bête et fonctionner comme une machine. Deux cohortes d’éléphants la bordaient régulièrement ; tout en frissonnant, ils faisaient tomber les éclats des flèches attachés à leur peau noire. Les Indiens accroupis sur leur garrot, parmi les touffes de plumes blanches, les retenaient avec