Page:Flaubert - Salammbô.djvu/221

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leur marche, en plein soleil, sur des cendres chaudes.

Quelquefois ils voyaient, au bord de la route, luire dans un buisson comme des prunelles de chat-tigre. C’était un Barbare accroupi sur les talons, et qui s’était barbouillé de poussière pour se confondre avec la couleur du feuillage ; ou bien, quand on longeait une ravine, ceux qui étaient sur les ailes entendaient tout à coup rouler des pierres ; et, en levant les yeux, ils apercevaient dans l’écartement de la gorge un homme pieds nus qui bondissait.

Cependant Utique et Hippo-Zaryte étaient libres, puisque les Mercenaires ne les assiégeaient plus. Hamilcar leur commanda de venir à son aide. N’osant se compromettre, elles lui répondirent par des mots vagues, des compliments, des excuses.

Il remonta dans le nord, brusquement, décidé à s’ouvrir une des villes tyriennes, dût-il en faire le siège. Il lui fallait un point sur la côte, afin de tirer des îles ou de Cyrène des approvisionnements et des soldats, et il convoitait le port d’Utique comme étant le plus près de Carthage.

Le Suffète partit donc de Zouitin et tourna le lac d’Hippo-Zaryte avec prudence. Bientôt il fut contraint d’allonger ses régiments en colonne pour gravir la montagne qui sépare les deux vallées. Au coucher du soleil, ils descendaient dans son sommet creusé en forme d’entonnoir, quand ils aperçurent devant eux, à ras du sol, des louves de bronze qui semblaient courir sur l’herbe.

Tout à coup de grands panaches se levèrent ; et au grand rythme des flûtes un chant formidable éclata.