Page:Fleischmann - Le Roi de Rome et les femmes, 1910.djvu/248

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pour préserver les jeunes archiduchesses des impressions qui auraient pu effleurer leur innocence. Cette intention était louable sans doute ; mais les moyens employés pour atteindre ce but n’étaient pas tous sagement conçus. Au lieu d’éloigner de ces princesses les livres contenant des passages qui pouvaient égarer ou fausser leurs idées, on avait imaginé de couper avec des ciseaux, non seulement des pages de ces livres, mais des livres et même des mots, dont le sens était jugé équivoque et suspect. Il devait résulter d’une censure aussi maladroitement exercée un effet contraire à celui qu’on voulait produire ; ces passages, qui fussent restés inaperçus si on les eût laissés subsister, étaient interprétés de mille manières par de jeunes esprits, d’autant plus fertiles en suppositions qu’ils étaient excités par la recherche de l’inconnu. Le dommage qu’on voulait prévenir se trouvait ainsi augmenté. D’un autre côté, il arrivait que les royales élèves n’avaient plus pour leurs livres que de l’indifférence ; ces livres devenaient pour elles des corps sans âme, dépouillés qu’ils étaient, à leurs yeux, de tout intérêt, après les mutilations qu’ils avaient subies. L’archiduchesse Marie-Louise, devenue impératrice, avouait que l’absence de ces passages avaient excité toute sa curiosité. Sa première pensée, lorsqu’elle était devenue maîtresse de ses lectures, avait été de rechercher, dans des exemplaires complets des livres qui avaient servi à ses études, les endroits retranchés, pour connaître ce qu’on avait voulu lui cacher. Dois-je ajouter que, dans le même esprit de bigoterie et de scrupule mal entendu, les animaux domestiques du genre mâle, dont on redoutait apparemment les instincts immodestes, étaient écartés de l’intérieur des appartements des princesses, et que les seules espèces femelles y étaient tolérées, comme présentant des idées plus pudiques ? Ce système d’éducation, qui était encore pratiqué durant l’enfance de Marie-