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MONOGRAPHIE DE L’ANARCHISTE

tances favorables, les griefs légitimes pour organiser sa première grève, sa première prise d’armes contre l’exploiteur, il devient bientôt suspect aux travailleurs qu’il a déçus et aux patrons qu’il a menacés. Il est un militant depuis quinze jours à peine que déjà on l’a flanqué à la porte. Il offre ses bras à la manufacture d’en face, au chantier voisin. Vaines démarches. Des renseignements dénonciateurs l’y escortent aussitôt ou l’y ont précédé. Les patrons aussi se coalisent. On ne l’accueillera nulle part, sinon par erreur et pour peu de temps. Au début, cette conspiration de la vie autour de lui l’émeut, le surprend. Il s’écrie :

— Que leur ai-je donc fait ? Pourquoi me chasse-t-on ainsi, comme on se garde d’une bête galeuse ou méchante ? J’ai défendu mes intérêts, ceux de mes pareils. C’était mon droit, après tout !

Bientôt, dans cette hostilité, il discerne de l’injustice : l’injustice bourgeoise, parbleu ! Cette découverte exaspère en lui l’idée de révolte comme une gorgée d’alcool lui enflammerait le sang. C’est la persécution qui commence. Soit. Il l’acceptera, non sans orgueil. La théorie anarchiste s’enfonce un peu plus avant dans son cerveau, à la manière d’un gros clou de fer sur lequel les patrons auraient essayé leurs marteaux. Alors il boucle son petit baluchon, rehausse d’un pli le bas de sa culotte, ceint sa courroie, et gagne le « trimard » avec quelques sous en poche, en route vers la ville voisine où il espère trouver du travail et un nouveau