champ d’expériences pour son zèle de néophyte.
S’il sort d’Angers, des ardoisières de Trélazé par exemple, il marchera jusqu’à Nantes où il s’improvisera porte-faix, débardeur, coltineur sur les quais de la Loire, abordant avec la plus téméraire indifférence tous les métiers ou il ne faut que des bras.
Tenez pour assuré que, moins d’un mois après son arrivée, le quartier de la Fosse contemplera une grève des hommes de peine et que l’ancien ardoisier de l’Anjou, — altruiste par principe — y prendra la direction du mouvement. Il organisera les groupes, présidera les réunions, les meetings, posera les assises d’une coalition syndicale, rédigera, imprimera, affichera des manifestes, — et tout cela sans un sou. L’activité de tous fera relâche à sa parole. Mille, deux mille paires de bras se croiseront pendant une semaine ou deux sur de pauvres maigres poitrines, sur des estomacs vides, — parce qu’il l’aura voulu. La lâcheté des uns, l’égoïsme des autres, la faim, le dénùment, les mioches qui pleurent devant la huche vide, les femmes qui pâlissent en partageant le dernier croûton de pain, les mères épouvantées de ne plus voir saillir la goutte de lait à la fraise de leurs seins, les fillettes que la prostitution guette dans les crépuscules, tout le drame enfin qui palpite sous la sérénité apparente des conflits ouvriers ruinera l’entreprise du « trimardeur ». Une détente réduira les plus farouches. On répétera sur le port « que rien de tout cela ne serait arrivé sans cet oiseau de malheur. » Alors, la paix