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Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/56

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pitié, et paraît éprouver de la joie du mal qu’il leur cause, tout cela avec une constance dont plus d’une fois les périodes m’ont paru bien longues.

À la première vue, M. Chabrié paraît très commun ; mais cause-t-on quelques instants avec lui, on reconnaît bien vite l’homme dont l’éducation a été soignée. Il est d’une taille moyenne et a dû être bien fait avant d’avoir pris de l’embonpoint. Sa tête, presque entièrement dégarnie de cheveux, présente, sur le sommet, une surface dont la blancheur contraste d’une manière assez bizarre avec le rouge foncé qui colore toute sa figure. Ses petits yeux bleus, abîmés par la mer, ont une expression indéfinissable de malice, d’effronterie et de tendresse. Son nez est un peu de travers, et ses grosses lèvres, si affreuses quand il est en colère, si gracieuses quand il rit de ce rire naïf qu’ont les enfants, donnent à cet ensemble une expression tout à la fois de franchise, de bonté et d’audace. Ce qu’il a d’admirable, ce sont ses dents ; elles forment, selon sa propre expression, une mâchoire-modèle. Comme tout, dans cet homme, contraste de la façon la plus étrange, sa voix affecte l’ouïe de deux manières bien opposées :