Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/64

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frayants rugissements. Ce spectacle, auquel j’assistais sans le voir, m’était nouveau ; j’aurais trouvé du charme à le contempler s’il m’était resté vestige de force ; le mal de mer absorbait alors toutes mes facultés : je n’avais le sentiment de mon existence que par les frissons dont mon corps était parcouru et que je croyais les avant-coureurs de ma mort. Nous eûmes une nuit horrible. Le capitaine fut assez heureux pour pouvoir rentrer en rivière. Une vague nous avait emporté nos moutons, une autre nos paniers de légumes, et notre pauvre petit navire, la veille si coquet, si bien rangé, était déjà tout mutilé. Le capitaine, quoique écrasé de fatigue, descendit à terre, afin d’acheter d’autres moutons, et remplacer les légumes que la mer nous avait enlevés. Pendant son absence, le charpentier répara les dégâts causés par la tempête, et les matelots rétablirent l’ordre, si nécessaire à bord des bâtiments.

Cette première tentative ne nous rendit pas plus sages, et nous nous exposâmes derechef à des périls certains, et dont nous faillîmes être les victimes, par un faux point d’honneur qui porte trop souvent les marins à braver d’inutiles dangers, et leur fait compromettre l’existence des hommes et la sûreté des navires commis à