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Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/66

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nos hommes, malades ou rendus de fatigue, étaient hors d’état de faire leur service. Pendant ces trois longs jours d’agonie, notre brave capitaine ne quitta pas le pont de son navire : il m’a dit depuis que, plusieurs fois, il avait vu notre frêle brick sur le point de se briser contre les roches, ou d’être englouti par les vagues. Grâce à Dieu, nous nous en tirâmes heureusement ; mais de pareils dangers ne devraient-ils pas faire réfléchir les marins qui, tous les jours, commettent de semblables imprudences ?

Le 13, entre deux et trois heures de l’après-midi, notre capitaine, harassé de fatigue et mouillé comme s’il fût tombé à la mer, descendit dans la chambre, où il n’était entré depuis trois jours. Voyant toutes les cabanes fermées, n’entendant pas le moindre souffle humain, il cria de sa grosse voix enrouée :

— Holà ! hé ! passagers ! tout le monde est-il mort ici ?

Personne ne répondit à sa bienveillante question. Alors M. Chabrié entr’ouvrit la porte de ma cabane, et me dit avec un accent de sollicitude que je n’oublierai jamais :

— Mademoiselle Flora, vous avez été bien malade, m’a dit David : pauvre demoiselle ! je vous