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Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, I.djvu/92

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Cette réponse me fit tressaillir ; c’est qu’alors je ne pouvais entendre prononcer le mot amour sans que les larmes me vinssent aux yeux. M. Chabrié cacha sa tête dans ses mains. Pour la première fois, je le regardai ; je ne connaissais pas encore ses traits : il pleurait ; je l’examinais attentivement et me laissais aller avec délices aux pensées les plus mélancoliques.

On nous appela : le canot nous attendait ; nous nous y rendîmes lentement. Je m’appuyais sur le bras de M. Chabrié ; nous étions absorbés dans nos pensées, et ni l’un ni l’autre ne songeaient à rompre le silence. Nous trouvâmes à bord M. David avec son consul et deux musiciens qu’il avait amenés pour me faire connaître la musique du pays. Nous nous rassemblâmes tous sur le pont : je m’étendis sur un double tapis ; ces messieurs prirent place autour de moi, et chacun, selon l’ordre d’idées qu’il avait dans la tête, prêta plus ou moins d’attention à la monotone musique des deux Africains.

Le concert se serait prolongé fort avant dans la nuit, si l’un des musiciens n’eût été pris du mal de mer, quoique le bâtiment ne fit aucun mouvement. Cette circonstance obligea le consul de retourner à la ville ; je fus ainsi délivrée de