Page:Flora Tristan - Peregrinations d une paria, 1838, II.djvu/213

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
209

cabinet. Cette nuit fut pour moi pleine d’enseignements ; le caractère de ce peuple a un cachet qui lui est propre : son goût pour le merveilleux et l’exagération est extraordinaire. Je ne saurais dire combien, pendant cette longue nuit, il fut raconté d’histoires effrayantes, débité de mensonges divers, le tout avec un aplomb, une dignité dont je ne pouvais assez m’étonner. Ceux qui écoutaient prouvaient, par leur froide indifférence, qu’ils croyaient peu aux contes qu’on leur narrait.

Mais on abandonnait la narration des contes, et la conversation changeait tout à coup, chaque fois qu’on apprenait des nouvelles vraies ou fausses de ce qui se passait dans le camp. Si un soldat blessé, en se traînant à l’hôpital, disait que les Aréquipéniens avaient perdu la bataille, il s’élevait aussitôt dans la salle une rumeur des plus burlesques : on se récriait contre le lâche, le coquin, l’imbécille Nieto, et l’on exaltait le digne, le brave, le glorieux San-Roman. Les bons moines de Santo-Domingo, adressaient au ciel leurs vœux sincères, pour que ce chien de Nieto fût tué, et se mettaient à faire de beaux projets, pour la brillante réception qu’ils comptaient faire à l’illustre San-Ro-