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par le sentiment qui l’animait, dont le silence, l’avant-veille, m’avait comme frappée de stupeur : un bruit sourd, confus partait de ces masses colossales, et le mouvement continuel dont elles étaient agitées ressemblait au tumulte des vagues d’une mer en courroux. J’entendais toutes les conversations de la tour de Santo-Domingo ; chacun y faisait ses conjectures ; il s’y élevait des discussions qui finissaient par devenir des disputes, tant l’irritation de tous, causée par d’aussi longues souffrances, les rendait âpres, ergoteurs, insociables ; ensuite ils étaient en proie aux plus cruelles inquiétudes ; l’anxiété, redoublée par une longue attente, devenait un supplice intolérable ; on s’impatientait de ne rien voir, et l’ardeur d’un soleil brûlant exaspérait encore cette impatience. Les moines, en dehors de la peine commune, cherchaient seuls à égayer la foule : l’un faisait une niche à une jolie samba ; l’autre faisait tomber un petit nègre au risque de le tuer ; toutes ces gentillesses provoquaient les rires bruyants de la populace, et venaient insulter aux angoisses des êtres qui craignaient pour le sort d’un fils, d’un amant ou d’un frère.

A neuf heures, le canon se fit entendre ; les