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vous me voyez traiter à table avec tant de familiarité, de camaraderie, ne trouverait grâce devant ma sévérité pour le plus léger oubli des devoirs qui leur sont imposés.

Cet homme, qui, dans sa conduite à terre, manifestait un dédain si superbe de l’opinion, était, à bord, un des meilleurs officiers de la marine anglaise, un des plus rigoureux observateurs de la discipline. Il y avait de l’orgueil, de l’originalité dans cette manière d’être ; mais, certes, il y avait aussi un grand empire sur soi-même. Le commandant ainsi que tous les autres officiers étaient, à bord, d’une sobriété extrême et menaient une vie très laborieuse ; ils ne se permettaient aucune distraction : les portraits de femmes qu’ils avaient dans leurs chambres (il s’en trouvait six dans celle du commandant) étaient les seuls souvenirs qu’ils semblassent conserver de leur existence à terre. Pendant tout le temps que je restai à bord, j’observai ces officiers à l’extérieur grave, à la tenue militaire, et dont l’expression contrastait d’une manière si étrange avec celle que je leur avais vue chez madame Denuelle : le commandant m’avait reçu avec une froide politesse, et l’étiquette en régla toutes les démons-