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RICHE OU AIMÉE ?

ta-elle en lui adressant son plus gracieux sourire.

Et, pendant le déjeuner, comme pendant la promenade qui suivit, elle témoigna au jeune homme une amabilité si marquée, approuvant tous ses dires, le flattant discrètement, et éclatant de rire à chacune de ses saillies que, deux ou trois fois, Mme de Vauteur la considéra à la dérobée, très attentivement, et avec son sourire, son terrible petit sourire du coin de la bouche. Décidément, elle n’avait pas assez fait pour dégager sa responsabilité en avertissant André de la pauvreté de Gisèle, elle n’avait encore accompli que la moitié de sa tâche. Dans la journée, André et Gisèle s’avisèrent de jouer une partie de croquet devant le château ; pendant ce temps, Mme de Vauteur vint s’asseoir près de sa belle-sœur, sur un banc un peu écarté et lui parla longuement.

Au dîner, André s’aperçut avec stupeur que Mme de Lacourselle était toute refroidie à son égard ; elle le contredit plusieurs fois carrément, et eut, après certaines plaisanteries, de fort bon goût pourtant, qu’il crut pouvoir se permettre, un silence désapprobateur qui le déconcerta un peu. Il avait beau se creuser la tête, il ne pouvait s’expliquer un revirement aussi subit. Il en eût eu l’explication s’il avait pu entendre, le soir, la conversation de la mère et de la fille.

Elles étaient remontées dans leurs chambres, qui se communiquaient ; Gisèle, à demi déshabillée, nattait pour la nuit ses longs cheveux noirs qui, de la chaise basse où, devant l’armoire à glace, elle était assise, traînaient presque sur le sol.

— Comment trouves-tu M. de Chateaublon ? lui demanda sa mère, venant se placer en face d’elle.

— Charmant, répondit franchement Gisèle.

— Moi aussi, mais, tu sais, ce n’est pas ce qu’il nous faut.

— Ah !

— Pas du tout de fortune, ma chère.

Gisèle lâcha le démêloir blanc qui mordait ses cheveux épais de ses dents espacées.

— Est-ce possible ?