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RICHE OU AIMÉE ?

— C’est absolument certain ; trouvant ce jeune homme installé ici, je m’étais demandé si ta tante, qui sait mon légitime désir de te marier, n’avait pas voulu ménager quelque entrevue. Elle ne savait pas, il est vrai, le jour exact de notre arrivée, mais devait prévoir l’époque de notre visite. M. de Chateaublon, au premier abord, m’a paru tourné comme le gendre de mes rêves, aussi j’ai voulu m’assurer s’il avait autant de fond que d’apparence, et j’ai interrogé ma belle-sœur.

— Qui vous a appris ?

— Que son beau neveu, comme elle l’appelle, est pauvre comme Job.

— Est-ce croyable ? le fils de la sœur de M. de Vauteur, qui passait pour immensément riche.

— Oui, mais M. de Chateaublon, le père, a tout mangé, tout. Il ne reste à ce pauvre jeune homme qu’une petite terre perdue en Bretagne, qui ne rapporte rien, quinze cents francs de rente et sa solde. C’est là son passé, son présent, son avenir. Moins encore que toi, par conséquent.

— Ah ! fit Gisèle, qui, ayant achevé de natter ses cheveux, lia l’extrémité des lourdes tresses avec un bout de faveur rose, et, sans s’en douter, répétant l’expression que la révélation de sa propre situation avait inspirée à André.

— C’est dommage ! fit-elle.

— Oui, riposta vivement sa mère dont la prudence maternelle avait été mise en éveil par le regret de cette exclamation ; c’est dommage, assurément ; mais j’espère, ma chère enfant, que tu es trop raisonnable pour oublier toutes les leçons que je t’ai données et t’éprendre de ce jeune homme.

— M’éprendre de M. de Chateaublon ! interrompit Gisèle, avec un éclat de rire ; ah ! ma chère maman, vous pouvez être entièrement, absolument tranquille ; non, non, je ne m’attacherais pas à ce jeune homme, j’ai trop présent à l’esprit tout ce que vous m’avez appris de la vie, et ce que l’expérience de mes vingt ans, surtout, m’en a enseigné. J’en ai assez, de cette pauvreté, la plus terrible de toutes, qui doit se cacher comme une