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RICHE OU AIMÉE ?

honte, et qui impose, pour sauver les apparences, des sacrifices de tout instant. J’en ai assez de cette contrainte, de ces mensonges, que dicte l’orgueil et qu’excuse la fierté ; de ces privations sans cesse renouvelées, d’un superflu qui, dans notre position, devient du nécessaire. Ce n’est rien encore d’être sans fortune, lorsque votre entourage, vos amis sont dans une situation égale à la vôtre ; mais seules pauvres dans une famille riche, cela vous crée des besoins sans nombre, des souffrances d’amour-propre mille fois répétées. Non, je n’en veux plus de cette misère en robe de soie, qui m’est un si lourd fardeau, et, puisque le moyen d’y échapper est de faire un riche mariage, tous mes efforts tendront vers ce but, rien ne viendra m’en détourner, pas même un gentil garçon comme M. de Chateaublon.

— À la bonne heure, fit Mme de Lacourselle rassérénée, voilà comme j’aime t’entendre raisonner ; le roman, vois-tu, mon enfant, il n’en faut pas dans la vie, cela ne sert qu’à la troubler ou à la gâter… Soyons pratique, c’est peut-être le secret du bonheur.

— Ou celui de savoir s’en passer, répliqua Gisèle toujours souriante ; qu’importe s’il suffit à vous rendre heureux !

— C’est l’essentiel, assurément. Allons ! bonsoir, ma chérie. Après cette grave conversation, il ne me reste plus qu’à te laisser dormir, et sans rêves d’aucune sorte.

— Ah ! mais si, par exemple, fit Gisèle, je vais rêver à la partie de canotage que ma tante m’a promise avec M. de Chateaublon pour rameur et, au besoin, pour sauveteur ; car, vous savez, maman, ce n’est point parce qu’il n’est pas, pour moi, un épouseur que je vais lui faire grise mine, à ce garçon.

— Certainement, non ; seulement, puisque nous devons passer ensemble tout un mois, ne serait-il pas plus prudent d’éviter toute équivoque par une petite allusion à tes prétentions pour l’avenir ? Car, enfin, il m’a paru te trouver fort à son goût, et il se pourrait que, même sachant ta situation pécuniaire — que ta tante n’a pas manqué de lui