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RICHE OU AIMÉE ?

apprendre. — il fasse fausse route. Au demeurant, comme je te le disais, tu es plutôt un peu plus riche que lui et, à l’âge de M. de Chateaublon, la passion a bien vite dicté un désintéressement dont, plus tard, on se mord cruellement les pouces.

— Je vous comprends, chère mère : il faut avertir M. de Chateaublon et couper dans son germe tout malentendu. Laissez-moi faire, je m’en charge ; dans ma bouche, la chose n’aura pas la gravité que votre organe lui donnerait ; dès qu’une occasion favorable se présentera, j’en profiterai pour l’édifier sur mes ambitions.

Ces ambitions, dont {[Mlle|Lacourselle}} parlait avec tant de désinvolture, pouvaient sembler étranges, étant donnés ses vingt ans, la somme d’illusion que toutes les jeunes filles possèdent à cet âge, et la part que, dans leur vie, elles font au rêve, Si Gisèle était autre, ce n’était point elle qu’il en fallait accuser, mais bien plutôt l’influence qui, jusqu’à présent, l’avait dirigée.

Physiquement, elle était le vrai portrait de son père, et l’eût été non moins fidèlement au moral, sans l’éducation qu’elle avait reçue. Au fur et à mesure qu’elle grandissait, sa mère s’était effrayée de reconnaître en elle la puissance d’imagination, l’enthousiasme irréfléchi, la sensibilité affinée, la générosité ardente de son mari. Elle avait vu de près les dangers de ces qualités, lorsque la raison et le jugement ne viennent pas les régir et les réglementer, et entendait en préserver sa fille.

Seulement, dans son zèle, elle exagéra le but, tout en croyant l’atteindre à peine. Elle chercha à étoutfer la flamme de toutes les aspirations élevées de Gisèle, lui prêcha l’amour de l’argent, lui montrant toutes les jouissances qu’il peut donner ; lui apprenant à faire bon marché de ses sentiments intimes devant la nécessité, à ne considérer son cœur que comme un encombrant bagage dans le chemin de la vie, et dont il ne faut tenir aucun compte. Elle s’efforça, comme elle le disait, de la rendre pratique, ce qui était, pour elle, le nec plus ultra de la perfection.

Par bonheur, elle n’y réussit qu’à moitié, elle ne changea rien à l’heureuse nature de Gisèle