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RICHE OU AIMÉE ?

mais étendit dessus comme une couche de glacis qui, tout en la cachant presque absolument, la laissait intacte au-dessous. Par moment et par endroit, le vernis s’écaillait, et le fond apparaissait ; personne ne s’en plaignait et Gisèle n’en semblait que plus charmante, mais, vite, sa mère s’ingéniait alors à réparer le dommage, à boucher le trou, et sa fille persistait, sinon à être, du moins à paraître à peu près telle qu’elle le désirait.

Agissant de la sorte, Mme de Lacourselle avait la meilleure intention, elle adorait Gisèle et cherchait à lui préparer un bonheur à sa mode à elle. Pour cela, elle la voulait riche. La fortune était peut-être la seule chose qui eût manqué à sa vie, et, comme elle avait plus souffert de sa privation que joui des compensations, immenses pourtant, qui lui avaient été données, elle voulait l’assurer à son enfant.

Mme de Lacourselle était excellemment bonne, mais, dès sa jeunesse, l’ambition l’avait mordue au cœur. C’était le fruit de l’éducation exceptionnellement brillante que, grâce à sa parenté avec la supérieure d’un des pensionnats les plus aristocratiques de Paris, son père avait pu lui faire donner ; et aussi le résultat des amitiés de jeunes filles qu’elle avait nouées dans ce couvent. Le jour où Mathilde Thivas avait eu conscience de sa beauté, si elle s’en était réjouie, cela avait été surtout en songeant que cette puissance-là lui permettrait d’acquérir les deux qui lui manquaient encore : celles de la position sociale et de la fortune. Mais son rêve ambitieux s’était en partie écroulé de lui-même, le jour où elle avait rencontré Léopold de Lacourselle. Elle n’avait pas su résister au charme de son affection ni au prestige de l’alliance qui s’offrait à elle. Elle crut toutes ses exigences réalisées le jour où elle monta à l’autel. Noble et aimée ! Elle en oublia qu’il lui manquait encore d’être riche !

Ses illusions furent de courte durée. Si, dans son entourage, elle avait, par son mariage, gravi subitement quelques échelons dans la société, sa belle-famille n’en jugea pas ainsi et, pour elle, la jeune épousée resta d’autant plus une parvenue