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RICHE OU AIMÉE ?

— Je ne dis pas cela, mais son père et sa mère vivent tous deux et il m’a dit lui-même, un jour, que sa dot serait bien minime. — Comment vont-ils faire ? s’écria Mme de Lacourselle, levant les bras au ciel, Marcelle doit avoir très peu de revenus, n’est-ce pas, Léonie ?

— Fort peu, assurément, répondit Mme de Vauteur, légèrement narquoise. M. de Chamade n’était pas riche, ma sœur a fait un mariage d’amour.

Il est probable qu’elle s’en est bien trouvés, puisqu’elle laisse sa fille recommencer.

— Oui, répliqua Mme de Lacourselle d’un air entendu ; mais autrefois, les exigences n’étaient pas si grandes qu’à présent et l’imprudence — car c’en était une de se mettre en ménage avec de faibles ressources — était moins grave.

Combien pourront-ils donc réunir, ces jeunes gens ?

— Eh ! fit Mme de Vauteur, si ma sœur de Chamade donne à sa fille plus que la dot réglementaire, ce sera le bout du monde.

— Mais alors, fit Mme de Lacourselle, c’est la misère !

— C’est peut-être le bonheur ! dit André goguenard.

— Ah ! bien, merci de ce bonheur-là ! fit Gisèle, intervenant ; c’est moi qui n’en voudrais pas ! Car, soyez-en assuré, il ne sera ni complet ni durable. Comment avoir le cœur et l’esprit contents, avec les transes perpétuelles que vous cause l’équilibre instable de votre budget ?

Et comment être heureux lorsqu’on n’a pas un louis devant soi, lorsqu’il faut se refuser plus que le superflu, se priver de toutes les jouissances légitimes que donne, non la fortune, mais l’aisance ?

Il ne faut pas seulement renoncer au monde, aux réunions, aux relations, à tout ce qui fait le charme et l’agrément de la vie, il faut se résigner à mille petits sacrifices quotidiens, qui ne semblent rien, et qui, pourtant, deviennent immenses à force d’être répétés.