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RICHE OU AIMÉE ?


poulet qu’il voit sur la table, qui fait un peu la grimace, mais qui, lorsqu’on lui en jette l’os à ronger, se hâte de le saisir et s’en va très content.

— Pauvre fille ! fit André, touché malgré lui de cette résignation joyeuse à une situation cruelle pour l’amour-propre.

— Bah ! répondit-elle, ne me plaignez pas, et surtout ne me louez pas ; si j’accepte tout cela, c’est avec la pensée que cela n’aura qu’un temps ; j’aurai ma revanche, une fois ou l’autre.

Comme chaque jour, à cette heure-là, on se sépara, chacun s’en fut de son côté, à ses affaires ou à ses distractions. Gisèle, qui s’amusait à pêcher à la ligne, emmena vers l’étang Suzanne, qui s’était prise pour elle d’une passion subite ; Mme de Lacourselle les accompagna, suivie de l’institutrice, avec laquelle, faute de mieux, elle se prit à causer. Pierre alla, avec son précepteur, acquitter un pensum récolté le matin même ; le comte monta chez lui.

André suivit Gisèle et Suzanne, et la comtesse resta seule au salon avec sa mère.

Renversée dans un fauteuil près de la fenêtre, elle regardait nonchalamment les promeneurs s’éloigner, tout en jouant distraitement avec les rubans de sa robe d’intérieur.

— Dites donc, ma mère, fit-elle tout à coup, que vous a semblé hier cette migraine d’André ?

— Un prétexte pour ne point aller à la Saultaie, répondit Mme de Vauteur.

— Ou bien rester avec Gisèle et faire cause commune avec elle ? précisa la comtesse.

— Peut-être bien.

— Comment ! vous en admettez la possibilité aussi froidement ; je vous croyais, pour votre neveu, des projets ambitieux ?

— C’est-à-dire qu’il m’a demandé de l’aide dans les siens.

— Et c’est là où ils se bornent, à épouser cette petite Gisèle, qui est charmante, il est vrai, mais qui n’a pas un sou vaillant.

— Je crois qu’il n’y songe pas et qu’il vise plus haut.