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RICHE OU AIMÉE ?

lèvres la main de la jolie vieille femme qu’était Mme de Vauteur.

— N’êtes-vous pas torréfié par cette température ? continua-t-elle ; voyager en pleine chaleur dans cette saison, voilà bien l’inconséquence de votre âge, mon cher enfant ; n’en avez-vous pas souffert, au moins ?

— Un peu, ma tante, si peu qu’il n’y paraît déjà plus, juste assez pour trouver encore ce salon plus hospitalier et plus charmant que de coutume, si c’est possible.

— Voilà qui est gentiment répondre à une gronderie ; aussi, tenez-moi dès à présent pour désarmée. Je suis si contente, mon cher André, que vous soyez venu me tenir compagnie dans l’extrême solitude où je me trouve actuellement, que je me suis promis de ne pas vous faire de morale du tout. Êtes-vous tranquille ?

— Ni plus ni moins qu’auparavant ; passant par votre bouche, la morale ne m’effraie pas, ma tante.

— Allons bon ! Il me semble que nous ne sommes pas trop rouillés, en Bretagne, sous le rapport de l’à-propos ; car vous en revenez, de votre vieux castel, racontez-moi donc votre voyage ?

Et, fermant à demi ses grands yeux clairs, si jeunes sous sa chevelure dont la poudre accentuait la blancheur de neige, Mme de Vauteur se renversa sur un fauteuil, croisa ses mains fines sur son livre ouvert, observant son neveu, sans en avoir l’air, avec cette fine clairvoyance qui se lisait dans l’ironie douce de son sourire et l’expression spirituelle de toute son aimable physionomie.

Lui ne semblait nullement gêné par cet examen dont il n’était pas, connaissant bien sa tante, sans s’apercevoir. Physiquement, il n’avait certes pas à le redouter. C’était un superbe garçon de vingt-huit ans, brun, aux traits réguliers, avec un profil bourbonien prononcé qui lui donnait l’air aristocratique ; la lèvre supérieure un peu courte et ornée de longues moustaches noires et soyeuses, se relevait, dans le sourire, sur des dents éblouissantes ; les yeux, vifs, pétillaient d’esprit et de bonne humeur ; le teint, clair, respirait la santé. Il était grand, vigoureux, bien découplé, une aisance