nitions et des règles, tout le monde n’en sait pas moins par cœur l’admirable fable des deux Pigeons, tout le monde n’en répète pas moins ces vers du Lion amoureux :
Amour, amour, quand tu nous tiens,
On peut bien dire adieu prudence ;
et personne ne se soucie de savoir qu’on peut démontrer rigoureusement que ces deux fables sont contre les règles. « Vous exigerez peut-être de moi, en me voyant critiquer avec tant de sévérité les définitions, les préceptes donnés sur la fable, que j’en indique de meilleurs ; mais je m’en garderai bien, car je suis convaincu que ce genre ne peut être défini et ne peut avoir de préceptes. Boileau n’en a rien dit dans son Art poétique, et c’est peut-être parce qu’il avait senti qu’il ne pouvait le soumettre à ses lois. Ce Boileau, qui assurément était poète, avait fait la fable de la Mort et le Malheureux en concurrence avec La Fontaine. J.-B. Rousseau, qui était poëte aussi, traita le même sujet. Lisez dans monsieur d’Alembert[1] ces deux apologues comparés avec celui de La Fontaine ; vous trouverez la même morale, la même image, la même marche, presque les mêmes expressions ; cependant les deux fables de Boileau et de Rousseau sont au moins très médiocres, et celle de La Fontaine est un chef-d’œuvre. « La raison de cette différence nous est parfaitement développée dans un excellent morceau sur la fable, de M. Marmontel[2]. Il n’y donne pas les moyens d’écrire de bonnes fables, car ils ne peuvent pas se donner ; il n’expose point les principes, les règles qu’il faut observer, car je répète que dans ce genre il n’y en a point ; mais il est le premier, ce me semble, qui nous ait expliqué pourquoi l’on trouve un si grand