ART ET RELIGION
M
algré les écoles et les groupements, l’art contemporain est avant tout l’expression de l’individu. Le XIXe siècle nous a habitués à concevoir l’art comme une manifestation de pure liberté, se suffisant à elle-même, et, bien avant les théoriciens de l’art pour l’art, la Critique du Jugement présentait l’activité de jeu comme principe de la création esthétique. Nos plus récentes méthodes d’investigation, même lorsqu’elles s’appliquent aux œuvres du passé, tendent à s’inspirer de ces idées. Par réaction contre un excès d’intellectualisme et contre de faciles généralisations historiques, nous nous attachons de plus en plus à voir dans les chefs-d’œuvre du génie des réalités spécifiques nées d’un fiat échappant dans une large mesure aux nécessités des temps et aux habitudes des milieux. Nous sommes conduits à classer les maîtres selon qu’ils nous paraissent plus ou moins affranchis du déterminisme, et le monde de l’art est à nos yeux un univers à part, superposé au nôtre et n’ayant avec ce dernier que des relations de circonstance, de prétexte ou d’occasion. Quelle que soit sa valeur absolue, cette esthétique a le mérite de représenter l’attitude de l’homme moderne et l’état actuel de la conscience artistique ; elle met en