Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/169

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sûr, c’est qu’avant cette ère de disputes, qui n’ébranlaient rien des forces essentielles, le Japon connut une longue période d’équilibre dans sa vie religieuse.

Au Japon, comme ailleurs, le Bouddhisme fut le consolateur des simples. Par la doctrine de la transmigration, il ouvrit des vues à la fois vastes et claires sur l’avenir de l’homme, il enseigna aux humbles à supporter le poids de leur Karma, la loi des mérites et des démérites, et leur promit, dans l’enchaînement des vies successives, une juste rétribution de leurs efforts et de leur patience. Il est légitime de supposer qu’au VIe siècle de notre ère, le Sintô, considéré à la fois comme armature sociale et comme interprétation métaphysique de l’univers, avait encore quelque chose d’aride et de tendu. Le Bouddhisme l’humanisa. Les rites anciens, chers au cœur des pauvres furent conservés, accrus, embellis.

Surtout le Bouddhisme dota l’élite d’une philosophie supérieure. En même temps qu’il amenait avec lui un cortège de lois, d’institutions, de formules hautement civilisatrices et d’arts, il dégageait la pensée profonde de tout l’Orient. La nature n’est pas un plan distinct de notre activité. Elle n’est pas le décor insensible dans lequel nous nous agitons, héros de quelque drame obscur. Le monde et la nature sont étroitement nous-même. Notre volonté, pure ou impure, crée non seulement le bien ou le mal en morale, mais toute réalité concrète. La configuration des paysages n’est pas l’expression, mais le résultat de notre vie intérieure, de