Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/170

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nos sentiments, de nos actes. Il n’y a pas sympathie, il n’y a pas réaction, mais identité, mais fusion.

Sans doute, en s’associant aux formes prolixes de l’hindouisme, le Bouddhisme faisait naître de chaque moment de la vie, de nos minutes morales les plus légères une infinité de dieux que la secte Singon accueillit dans son panthéon avec un enthousiaste libéralisme, — mais la philosophie indienne, traitée par l’énergique génie de la race, ne lui fit jamais courir le danger de l’énervement, par la pratique d’une dévotion fade, même aux heures de mysticisme exalté. Elle a certainement enrichi le trésor japonais des vertus actives : on en trouve une lumineuse preuve dans le succès de la philosophie Zèn qui prêcha la maîtrise de soi et le culte de la volonté.

Mais le sentiment de la nature et l’art de contempler sont plus redevables encore au Bouddhisme. On a déjà vu comment le Zénisme les développa en Chine sous les Song. Ils s’épanouissent au Japon, sous les Asikaga. Dans cet immense océan de vies secrètes, confuses, palpitantes, il ne suffit pas de voir et d’être ému, il faut pénétrer, il faut aimer. Pour les romantiques d’Occident, la nature gravite pesamment autour des passions de l’homme. Ils l’invoquent, ils la détestent, ils la chérissent, comme un comédien frappe de la main le décor et les accessoires d’un théâtre. Qu’ils lui prêtent une sympathie pour leurs souffrances ou qu’ils l’accusent d’être insensible, elle est toujours la spectatrice de leurs désordres. Ici la nature n’est ni