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siècles, l’idéal asiatique, sur un archipel de volcans, a fait un peuple de héros, de sages et d’artistes, un peuple spirituel et grave, délicat et fort, et qui, sans jamais sombrer dans la vanité des digressions abstraites, n’a cessé de respecter et de cultiver ce sens des profondeurs auquel il doit ses vertus les plus rares. Il nous reste à voir comment elles contribuent à l’harmonie des arts.


II. — L’ÉVOLUTION DE LA PENSÉE BOUDDHIQUE ET L’ART JAPONAIS.


La culture japonaise s’étend sur des siècles, qu’elle anime et qu’elle peuple avec une surprenante variété. L’histoire littéraire et l’histoire artistique du Japon ne se limitent pas à quelques générations de poètes et de dessinateurs tardivement issues de la nuit féodale et promptes à la décadence. Le Japon que nous avons la naïveté d’appeler un peuple jeune, parce qu’il nous a pris récemment quelques-unes de nos formules, a, comme la Chine, honoré avant nous l’intelligence. À l’époque où l’Europe occidentale, foulée par les barbares et plongée dans le crépuscule, sans institutions politiques, sans autre langage que de grossiers dialectes nés de la décomposition du latin, balbutie d’une voix mince, d’une haleine courte, la Vie de saint Léger et la Cantilène de sainte Eulalie, ces petites choses tremblantes, le Japon invente de majestueux romans, image d’une civilisation nuancée, fine depuis longtemps. Des adolescents y parlent d’amour avec un