Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/209

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dire et, le disant, il ne fut pas abusé par sa bonne mémoire d’humaniste. Et si l’on est fondé à faire de pareils rapprochements, ce n’est pas seulement que le royaume de Gandhara, héritier d’un rayon de l’hellénisme, a pu propager à travers les siècles jusqu’aux rivages du Pacifique la palpitation de quelques-uns des dons sacrés, c’est que ces dons mêmes, servis par une technique analogue, le maniement du pinceau chargé de noir ou d’une eau faiblement colorée, étaient également échus à une autre élite humaine, dès longtemps qualifiée pour inventer des formes de beauté. Ce grand sens plastique, qui ne naît pas des exercices stériles de l’école, mais d’une contemplation innocente et amoureuse de la vie, les maîtres dont je parle en sont doués presque tous à un haut degré. Ils ont tardivement senti la poésie du nu ; toujours ils ont su draper avec une noblesse souveraine les étoffes qui le décorent, trouver la gamme exquise et grave qui convenait au charme et à l’ampleur de la ligne. Leur intelligence linéaire, leur art de disposer des à-plat de tons heureusement choisis nous leur font donner le nom de décorateurs. Pauvre éloge, en vérité, et qui ne vient que par surcroît. En présence de tant de chefs-d’œuvre qui ne sont pas faits le moins du monde pour décorer, mais bien pour demeurer cachés et pour être contemplés de temps à autre, et comme à la dérobée, ce n’est pas beau décor qu’il faut dire, mais grand style.

On peut s’étonner qu’un peuple si curieux des