Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/210

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accents passagers de la vie, si subtilement attentif à ses manifestations individuelles, épisodiques et véhémentes, si habile à la concentrer et à la décharger, si l’on peut dire, avec brusquerie, ait été en même temps capable de cette majestueuse ampleur et de cette sérénité, qu’au milieu de cette fièvre, de ce fourmillement, de cette agitation, il ait conservé cette qualité d’équilibre souverain, supérieur aux contingences et aux accidents. L’esthétique ne nous enseigne-t-elle pas qu’il y a antagonisme entre la vie et le style en art ? Mais c’est précisément parce qu’ils ont été des amateurs passionnés de la vie et qu’ils l’ont contemplée éperdument, qu’ils ont pu rester jeunes, éviter de s’endurcir à des formules, continuer à voir large et vrai, quels que fussent les sujets, les caractères et les dimensions. Il est admirable de constater que chaque fois qu’ils ont couru le risque de vieillir dans l’académisme, ou, par contre, de s’éparpiller dans des riens charmants, ils ont été ramenés à la justesse et à l’harmonie par un sens très rare de la mesure. J’ai insisté ailleurs sur la puissance de ce rythme, sur cette oscillation qui explique certaines alternatives de l’art japonais.

Cette juste mesure, c’est le caractère des civilisations supérieures, de celles qu’on a le droit d’appeler classiques, parce qu’elles peuvent servir d’exemples et de modèles à l’humanité. Les grandes époques de l’Inde et de la Chine même n’ont pas traité l’idéal bouddhique avec cette largeur et cette autorité. L’art