Page:Focillon - L’Art bouddhique.djvu/211

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de l’Inde fut reconquis par sa profusion native. Les Song du sud eux-mêmes ne furent peut-être que de rares et délicieux esthètes. Mais le Bouddhisme au Japon repose sur un sol historiquement et moralement ferme. Il y a pris sa qualité communicable et humaine. Le génie japonais l’a cultivé, non seulement pour lui, mais pour nous. Pour en rassembler toutes les forces, il inventa des concisions inédites. Loin de se perdre en épanchements, en commentaires, il chercha et il trouva le son juste. Parfois il s’embrouille dans un ésotérisme un peu puéril ; son goût pour les cachettes, son horreur des évidences l’inclinent à une complication malicieuse qui nous déconcerte. Parfois son laconisme le sert d’une façon admirable. Avec un point posé à bout de pinceau, Hokousaï, ce miracle final du Zénisme, exprime une vérité. En quelques syllabes, Ba-chô « ramasse » un paysage et propage une émotion.

Penché sur la vie qui bouge et qui fuit, habile à en extraire des synthèses puissantes et nobles, ramené sans cesse par un esprit de mesure à la juste pondération de ses dons, apte à les traduire avec économie, le Japon ajoute à l’élégance de sa pensée et de son art le prestige d’une note volontairement mystérieuse et secrète. Non qu’il ait de la prédilection pour les énigmes, mais il n’étale rien. Les belles armes doivent être cachées dans des fourreaux médiocres. Un gentleman du temps des Asikaga dérobe sa noblesse sous des vêtements simples ; il vit dans une demeure rus-