la vie civique et dans la vie morale, appuyée sur l’idée de la loi délibérée et consentie, s’oppose, sans doute pour la première fois, à la notion de rite et de coutume. L’art, technique de la religion, devient une force capable de la dépasser, de la hausser avec lui et, dans une certaine mesure, de la supplanter. Les dieux ne sont plus que le prétexte de la beauté. L’art, selon la formule d’Aristote, est la joie des hommes libres. Les mythes les plus archaïques et d’origine barbare, — Arion, par exemple, — sont présentés comme de gracieux hommages aux Muses.
Des souvenirs laissés confusément aux générations postérieures par cette élite exceptionnelle naquit l’idée complexe de paganisme, où interviennent à la fois la nostalgie d’un âge d’or évanoui à jamais, une aspiration passionnée à la liberté des instincts et au bonheur, le culte de la beauté organique de l’homme, le goût des voluptés terrestres, enfin l’impatience de toute formule religieuse. À cet état diffus, le paganisme hanta les débuts de la Renaissance italienne. Le christianisme s’en accommoda comme il put, jusqu’au jour où l’art catholique en fut pénétré jusqu’au fond, mais son génie s’y opposait, et c’est d’un tout autre sens, c’est de vertus plus mystérieuses et plus profondes qu’il dota les chefs-d’œuvre des cathédrales d’Occident.
Comme toutes les grandes religions du renoncement, comme le Bouddhisme, il développait une force nouvelle, principe civilisateur et principe esthétique à la fois. La règle éthique du détachement des biens terrestres, pas plus que la doctrine du vide, n’a détruit le culte des