Aller au contenu

Page:Folengo - Histoire maccaronique de Merlin Coccaie, 1859.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’envers. Guy en jetta par ordre ainsi plusieurs autres, et, courant ainsi çà et là, toujours se souvenoit de Madame, et à chasque coup qu’il donnoit, avoit ce mot en la bouche, le prononçant toutefois d’une basse voix. Le Roy fut grandement estonné pour les faicts merveilleux que faisoit Guy, et dit ces mots : « Voilà Guy la gloire de toute la nation Françoise ! O combien il represente les chevaleureux faits de nos ayeulx, à sçavoir du grand Roland, et du fort Renaud ! Il est sans doubte qu’il remportera chez soy la palme, et l’honneur de ce tournoy. » Balduine aussi quelquefois disoit à ses Damoiselles : « Si je ne me trompe, ce brave Baron, qui ainsi desmonte les autres, est cet insigne Guy ? O qu’il est vaillant ! O comme il porte bien sa lance ! Voyez-vous comme fort à propos il manie les resnes de son coursier, et avec quelle dexterité il assene ses coups sur le heaulme des autres ? » Elle n’avoit pas plustost achevé ces mots, monstrant, en parlant et en riant d’aise, ses perles blanches avec son rouge coural, qu’incontinent le son des trompettes fut ouy, comme on a accoustumé de faire quand on veut finir la jouste, et faire la retraicte. Guy demeura seul au millieu du camp, regardant autour de soy, ainsi que fait un superbe victorieux. Mais toutefois n’est-il pas victorieux seul, estant le vaincu d’Amour, portant les fers aux pieds, le carquant au col, et les manottes aux poings. Le Roy, accompagné de tout son conseil, va au-devant de luy : mais Guy, l’appercevant, soudain descend de dessus son coursier, et, haussant sa visiere, fait paroistre son visage tout baigné de sueur, et baise le genouil du Roy. La majesté, luy commandant de remonter à cheval, tire de son doigt un très-riche anneau, auquel estoit un très-grand rubi luisant comme une estoille, et le donne à Guy pour prix de la victoire, estant peut-estre comme arrhes des espouzailles de sa fille. Et toutefois sa pensée ne tendoit aucunement à telle chose, combien que tel present fut un advancement de nopces : nopces, dis-je, malheureuses, et qui seront