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ŒUVRES DE FONTANES.

Nommait les ennemis dont le sang doit couler ;
Sa voix nous les marquait, nous frappions les plus braves
Et le fer, affamé du sang de ces esclaves,
Ne peut rassasier son avide fureur.
À travers les rochers ils ont fui pleins d’horreur ;
Leurs chefs sont le désordre, et la peur et la rage ;
Ce n’est point un combat, c’est un vaste carnage.

 Cependant, d’un rocher dominant les hauteurs,
Sur un trône élevé qu’entourent ses flatteurs,
Le grand Roi contemplait ses troupes dispersées,
Les champs couverts de morts et d’armes fracassées,
Des rois qui l’ont suivi tout l’orgueil confondu,
Et le sang de l’Asie à grands flots répandu.
On dit que de son trône, en ce désordre extrême,
Il s’élança deux fois alarmé pour lui-même ;
Il s’écrie, il pâlit : tel sur les sombres bords,
On nous a peint l’effroi du Monarque des morts,
Quand le trident divin, lui déclarant la guerre,
Frappe, et jusqu’aux enfers ose ébranler la terre,
Et porte en leurs cachots, entr’ouverts à grand bruit,
Ce jour qui fait trembler les enfants de la nuit.

 Xerxès appelle enfin les héros de l’Asie :
Il oppose En nos coups cette troupe choisie.
Ces dix mille guerriers qui protègent ses jours,
Et dans un nombre égal environnent toujours.
On les nomme immortels, et leur chef est Tigrane,
Tigrane qui jadis, dans les murs d’Échatane,
Des rochers d’Hircanie en naissant transporté,