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ESSAI SUR L’HOMME.


 Par une sage loi, tout diffère entre nous,
Le crédit, le savoir, les titres, l’opulence ;
Mais qu’importe au bonheur et l’or et la science ?
Le bonheur est partout mélangé de revers.
La vie est un grand jeu dont les lots sont divers ;
Le nôtre nous suffit, sachons bien le connaître ;
Celui qui voudra plus, obtiendra moins peut-être.
Le sort nous assigna des postes différents,
Il subordonne entre eux nos emplois et nos rangs ;
Sous le niveau jaloux si tu veux les réduire,
Tout le corps social va bientôt se détruire :
Cette diversité maintient l’ordre et la paix.

 Dans les biens apparents le bonheur n’est jamais.
L’Éternel le partage aux sujets comme aux maîtres ;
Sa vaste providence embrasse tous les êtres,
Et sur tous à la fois son souffle bienfaiteur
Répand la même vie et le même bonheur.
Des palais aux hameaux, sur sa roue incertaine,
La Fortune à grand bruit tous les jours se promène ;
L’un monte et l’autre baisse, et tu crois que ses jeux
Font les infortunés, ainsi que les heureux !
Mais Dieu rétablit tout dans sa juste balance ;
Il donne aux uns la crainte, aux autres l’espérance ;
L’homme jouit et souffre, et vit dans l’avenir,
Plus que dans le présent qu’il ne peut retenir.

 Encelade nouveau, des enfants de la terre
Veux-tu contre le Ciel renouveler la guerre ?
Le Ciel rit de tes vœux, et te creuse un cercueil