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ŒUVRES DE FONTANES.

pas eu le même succès que le roman de Caleb Williams, parce qu’on n’y retrouve pas le même talent. Mais l’une et l’autre production portent l’empreinte de cet esprit chagrin, de cet orgueil séditieux qui, pour se venger de quelques prétentions humiliées, veut renverser de fond en comble toutes les institutions sociales, au nom de je ne sais quelle perfectibilité, dont rien ne garantit la certitude.

Avant de se livrer à toutes les discussions littéraires qu’exige l’examen de la poétique de madame de Staël, il est nécessaire d’apprécier enfin, et de réduire à sa juste valeur ce système de perfectibilité qu’elle revient encore proclamer au milieu de tant de larmes qui ne sont point taries, et sur tant de ruines et de tombeaux qui semblent offrir d’autres leçons à l’expérience. On réfutera, en lui répondant, quelques autres écrivains du même parti, qui ont mis plus de méthode dans leurs raisonnements, mais qui n’ont guère mieux prouvé ce qu’ils voulaient établir.

Leur première erreur vient de ce qu’ils confondent sans cesse les progrès des sciences naturelles avec ceux de la morale et de l’art de gouverner. Rien n’a pourtant moins de ressemblance. La géométrie, l’astronomie, la chimie, se développent graduellement par de longues observations, ou doivent leurs succès à des découvertes inattendues, comme celles de l’imprimerie, de la poudre à canon, de la boussole et des lunettes, dont les inventeurs sont même inconnus. Des procédés, des instruments nouveaux, ont