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DE LA LITTÉRATURE.

doutent. Il n’a point examiné les objets face à face, il M yen est point rendu le maître. C’est pourtant cet homme qui n’a point vu les objets face à face (je rends à l’auteur ses expressions, qui lui sont toujours particulières, et qu’on ne peut contrefaire ou suppléer), c’est cet homme qui a répandu l’idée de la perfectibilité. Tout lecteur instruit a déjà nommé Voltaire. Condorcet, et ce témoignage n’est pas suspect, écrit lui-même que Voltaire est un des premiers philosophes qui ait osé prononcer cette vérité si consolante, que depuis plusieurs siècles le genre humain en Europe a fait des progrès très sensibles vers la sagesse et le bonheur, et qu’il doit ces avantages aux progrès des sciences et de la philosophie. Condorcet a pleinement raison en restituant à Voltaire ce genre de gloire.

Montesquieu avait cherché les causes de la dépopulation qu’il croyait apercevoir dans l’univers. Il ajoutait à la fin d’un de ses plus beaux chapitres : « Voilà, sans doute, la plus terrible catastrophe qui soit jamais arrivée dans le monde. Mais à peine s’en est-on aperçu, parce qu’elle est arrivée insensiblement et dans le cours d’un grand nombre de siècles. Ce qui marque un vice intérieur, un venin secret et caché, une maladie de langueur, qui afflige la nature humaine. »

Voltaire, qui aimait les jouissances du luxe et l’éclat des sociétés civilisées, s’élève contre cette assertion de Montesquieu. « Quoi ? dit-il dans ses Remarques sur l’Histoire, l’esprit de critique, lassé de ne persécuter que des particuliers, a pris pour ob-