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ŒUVRES DE FONTANES.

peu surpris de voir qu’on l’étudiât avec si peu d’application, quand on prétend l’approfondir. Et qu’on ne croie pas que ce jugement énoncé sur Ossian soit une de ces méprises involontaires qui échappent quelquefois dans un ouvrage de quelque étendue !… c’est une idée de prédilection ; c’est une grande découverte qu’on croit avoir faite en littérature ; c’est enfin la base d’une nouvelle poétique.

On n’ignore pas que les poèmes attribués au barde Ossian n’ont été découverts que dans ces derniers temps par l’Anglais Macpherson. Ainsi, je le demande à madame de Staël, comment fait-elle remonter si haut l’influence d’un écrivain connu si tard ? Comment n’a-t-elle pas senti la nécessité d’apprendre les faits avant d’établir des systèmes ? L’imagination et l’esprit ne peuvent ici remplacer l’étude et la réflexion. Il est sans doute plus facile d’inventer que de chercher les véritables causes qui jettent tant de diversité dans le goût de quelques nations voisines. Mais, pour accréditer un paradoxe, il faut du moins lui donner quelque faux air de vérité. Ce secret est connu, et les modèles, dans ce genre, ont été fort nombreux depuis cinquante ans. Se peut-il qu’au moment où l’on se vante des progrès de la philosophie, l’art du sophisme soit même dégénéré ?

J’en demande pardon aux mânes d’Homère ; mais, puisqu’on lui oppose le barde Ossian, il faut prouver que ce dernier poëte, eût-il été connu depuis vingt siècles comme le premier, ne pouvait jamais partager son influence.