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Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/202

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DE LA LITTÉRATURE.

Je conçois que les chants attribués au fils de Fingal plaisent aux imaginations sensibles. Le début des élégies d’Ossian, car on peut donner ce nom à ses poèmes, s’empare toujours de l’âme et appelle la rêverie ; mais on ne tarde pas à se fatiguer du retour éternel des mêmes sentiments et des mêmes tableaux, comme l’oreille se fatigue de la continuité des mêmes sons. Le fond et les détails de ces complaintes ne varient jamais, et le goût ne peut les mettre en parallèle avec des ouvrages où se mêlent et se succèdent tous les genres de beautés et de sentiments.

Homère, né sous le plus beau ciel, disposant de la plus riche et de la plus souple de toutes les langues, instruit par ses voyages de toutes les traditions des différents peuples et de tous les arts de l’ancien monde, Homère put, en quelque sorte, reproduire dans ses écrits l’homme et l’univers entier. Il n’eut pas une seule couleur, il les eut toutes ; il fut naïf, grand et varié comme la nature, qu’il saisit également dans traits les plus élevés et les plus gracieux. Que peut avoir de commun avec cet esprit unique et universel, un barde, relégué dans les rochers d’un pays sauvage, vivant au milieu d’un peuple étranger même à l’agriculture, ne voyant autour de lui que de la neige et des tempêtes, et ne connaissant d’autres monuments que les pierres élevées de loin en loin sur les tombeaux de ses ancêtres ? Que dirait-on d’un voyageur qui, rapportant des forêts du Canada ou des îles de la mer du Sud le souvenir de quelques airs simples et touchants.