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ŒUVRES DE FONTANES.

prétendrait égaler leur mérite aux chefs-d’œuvre d’harmonie qui charment les oreilles les plus exercées de Naples et de Paris ? Les anciens Pélasges avaient eu sans doute, avant Homère, des bardes ou des poëtes du même genre ; mais les Grecs ne les préféraient pas à l’Iliade dans le siècle de Périclès.

L’uniformité des ouvrages d’Ossian tient à différentes causes ; mais feu crois voir la principale dans l’absence de toute idée religieuse, et celle-là devait être la moins remarquée. Je sais bien qu’on en tire une preuve frappante de l’authenticité de ces poèmes. En effet, si Macpherson avait voulu et pu tromper l’Europe, en lui donnant ses compositions au lieu de celles d’Ossian, il aurait imité les poésies des peuples sauvages que nous connaissons ; toutes sont pleines de la puissance des Dieux ; toutes montrent l’homme dans la dépendance d’une force supérieure, et lui promettent des Tartares ou des Élysées. Ossian est le seul poëte chez qui on ne trouve aucune notion semblable. Cette espèce de seconde vie qu’il donne à ses héros, en les plaçant après leur mort dans des palais de nuages, n’offre qu’un merveilleux assez triste et bientôt épuisé. Il peut amuser un instant l’imagination, mais il ne la nourrit point ; il ne lui offre aucun point de vue consolant : il n’est susceptible d’aucune variété ; il est sombre comme les nuits de l’hiver, et resserré comme les horizons chargés de brouillards que peint le chantre de Trenmor et de Fingal. Ces jeux fantastiques, ces courses des ombres au milieu des tourbillons et des orages, ressem-