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DE LA LITTÉRATURE.

blent trop au néant, pour que l’âme se repose et s’étende avec quelque charme dans un avenir aussi désert, où rien n’a de la consistance et de la réalité.

Ossian m’attendrit sans doute, quand il me conduit au tombeau de ses pères ; mais il faut qu’une divinité veille autour des tombeaux pour leur donner plus d’intérêt et les rendre sacrés. Comparez alors les idées du barde, privé de ce grand ressort du pathétique et du merveilleux, aux mythologies vivantes et animées des autres peuples, vous verrez que, malgré la douleur dont son âme paraît pleine, il n’a qu’une forme pour l’exprimer ; qu’il est contraint à chaque instant de se copier lui-même ; qu’il ne fait que se lamenter sans espérance, et que, ne mêlant jamais à la mort les perspectives heureuses d’un monde futur, il n’a nul moyen réel d’embellir et d’élever les destinées de l’homme à ses propres yeux.

C’est pourtant à ce but que doit tendre tout poëte qui veut longtemps charmer le plus grand nombre de lecteurs. Mais comment y parviendra-t-il sans l’intervention des intelligences célestes et amies de la nature humaine ? Ainsi, l’idée d’un Dieu peut seule féconder les arts, comme elle anime le spectacle de la nature.

C’est une grande erreur de croire, avec madame de Staël, que les peuples du Nord sont plus sensibles et plus mélancoliques que les peuples du Midi. Tous les faits déposent contre cette assertion. Les poésies les plus mélancoliques ont été composées, il y a plus de trois mille ans, par l’Arabe Job, qui vivait sous