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ŒUVRES DE FONTANES.

peuples, n’est-il pas juste de prouver que les peuples lui doivent les plus beaux développements de la civilisation ?

C’est la tâche importante que M. de Châteaubriand[1] s’est imposée : il a su la remplir avec gloire. Le genre de ses adversaires a déterminé le choix de ses armes. Fort de son talent et de sa cause, il rend à l’incrédulité tous ses dédains, et lui reproche surtout d’avoir affaibli les facultés de l’esprit humain. qu’elle se vante d’avoir agrandi.

« Il y a eu, dit-il, dans notre âge, à quelques exceptions près, une sorte d’avortement général des talents ; on dirait même que l’impiété, qui rend tout stérile, se manifeste encore dans je ne quel appauvrissement de la nature physique. Jetez les yeux sur les générations qui succédèrent immédiatement au siècle de Louis XIV ; où sont ces hommes aux figures calmes et majestueuses, au port et aux vêtements nobles, au langage épuré ? On les cherche, et on ne les trouve plus ; de petits hommes inconnus se promènent comme des pygmées sous les hauts portiques des monuments d’un autre âge. Sur leur front dur respirent l’égoïsme et le mépris de Dieu ; ils ont perdu et la noblesse de l’habit et la pureté du langage : on les prendrait, non pour les fils, mais pour les baladins de la grande race qui a précédé.

« Les écrivains de la nouvelle école flétrissent l’imagination avec je ne sais quelle vérité qui n’est point la véritable vérité. Le style de ces hommes est sec, l’expression sans franchise, l’imagination sans amour et sans flamme ; ils n’ont nulle onction, nulle abondance, nulle simplicité. On ne sent point quelque chose de plein et de nourri dans leurs ouvrages ; l’immensité n’y est point, parce que la Divinité y manque…… Aussi le dix-huitième siècle diminue-t-il chaque jour dans la perspective, tandis que le dix-septième grossit à mesure

  1. Le Mercure de 1802 disait encore, à cette date : le C. Châteaubriand, et non pas M. de Châteaubriand. On nous permettra de ne point pousser jusque là la fidélité de reproduction.