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Page:Fontanes - Œuvres, tome 2.djvu/382

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DISCOURS.

quérir et perdre tous les jours par les caprices de la fortune ?

Ce n’est pas tout. On nous accuse de vouloir sacrifier les droits de la nation aux prééminences de la richesse. Là-dessus, on fait le plus sinistre tableau des classes élevées. On remonte jusqu’à la décadence de la race Carlovingienne pour retracer leurs attentats. On leur oppose avec art les vertus qu’on place ordinairement dans les conditions médiocres. Je connais les avantages de la médiocrité. Je sais que les poëtes et les moralistes en ont fait la plus touchante peinture, et je suis loin de les contredire. Mais un traité de morale n’est pas une discussion politique.

Quand le législateur veut élever l’édifice social, il en cherche autour de lui les matériaux, il les combine avec plus ou moins d’habileté dans leur ensemble et leurs rapports. Il associe des intérêts communs pour y trouver les forces politiques dont il a besoin ; il attache certaines fonctions à certaines supériorités sociales, sans croire, assurément, que ces supériorités soient le gage de toutes les vertus. En circonscrivant le droit de cité, le droit de suffrage, il ne prétend point condamner au mépris les citoyens qui ne remplissent pas les conditions imposées.

Non, certes ; le degré de richesse n’ajoute rien à l’estime, mais il ajoute aux moyens d’influence, et c’est pourquoi on donne un double vote aux propriétaires les plus imposés.

Si l’évaluation de la fortune était celle de la vertu, la Charte aurait donc insulté la nation presque tout